vendredi 18 mars 2016

La Maison Dans Laquelle de Mariam Petrosyan

La Maison Dans Laquelle

Edition : Monsieur Toussaint Louverture (2016)
954 pages

RésuméDans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d'avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l'amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l'existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s'écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l'idée de devoir la quitter. Ensorcelante évocation de l'adolescence, La Maison dans laquelle est un chant d'amour à cet âge ingrat et bienheureux, à ses exaltations et ses tragédies, au sentiment de frustration et de toute-puissance qui le traverse. Mariam Petrosyan a réussi à créer un univers bariolé, vivant et réaliste, pétri de cette nostalgie et de cet émerveillement que nous avons tous au fond de nous et qui fait que, parfois, nous refusons de grandir et d'affronter la brutalité du monde qu'on appelle la réalité.

Chronique

Je viens tout juste de terminer le livre, donc j'écris cette chronique à chaud. Je suis encore toute chamboulée, mais je vais tenter de mettre des mots sur mes émotions.
La Maison Dans Laquelle est un livre envoûtant, fascinant, à l'image de la Maison. Ce livre est plus qu'un livre, c'est une expérience à part entière. Et tout comme il est douloureux de quitter la Maison, tourner la dernière page laisse un vide étrange.

C'est un roman énorme, riche et complexe, et pourtant, d'une manière étrange, je l'ai trouvé trop court. Je me suis sentis frustrée, car j'aurais aimé avoir les réponses à certaines questions laissées en suspens, ou les détails de certains passages esquissés, ou tout simplement plus encore. Accompagner encore quelques instants ces personnages. Mais tout en acceptant que cette part de mystère appartient à la Maison, à l'histoire, et contribue à l'ambiance si particulière du livre. Je ne voudrais pas me transformer en Fumeur, qui m'a profondément agacée toute une partie du roman, avec ses questions et remarques. Et pourtant, il est facile de le comprendre !

Plus on avance dans le livre, plus celui-ci devient étrange et laisse place au fantastique. Par petites touches d'abord, qui laissent place au doute : est-ce l'imagination fertile d'enfants à l'oeuvre ? Peu à peu, ce qu'on pouvait prendre au départ comme des métaphores, des mots d'esprit ou des plaisanteries prennent un tour très littéral. Et on s'enfonce de plus en plus profondément dans un mélange fascinant entre folie et magie, quelque chose d'un monde à part – les mondes de la Maison, ceux d'une enfance difficile à quitter, tel un Peter Pan moderne.

Dès le début, il y a dans l'ambiance et les personnages quelque chose de Sa Majesté des Mouches, que j'avais adoré. Un monde d'enfants où les adultes ont peu de prise. Un monde cruel aussi. Mais il y a beaucoup plus que la cruauté dans ce livre, beaucoup plus que des enfants perdus, handicapés et sans pitié. Il y a quelque chose de véritablement beau dans ce conte, cette histoire qui rappelle une fable. Tabaqui le dit d'ailleurs, à un moment donné : « Oui, j'étais attaché aux choses matérielles, et un brin paranoïaque, et assoiffé de sang aussi, et de façon générale, loin d'être parfait. Pourtant, j'avais également mes périodes lumineuses, moi aussi, durant lesquelles je devenais gentil… Mais on ne retrouvait rien de tout cela dans le silence inquisiteur de Fumeur ».
C'est d'ailleurs ce qui m'a le plus énervée chez Fumeur : qu'il ne semblait pas pouvoir comprendre les autres personnages et leur monde, qu'il ne voyait que leur extérieur malmené, alors que leur personnalité était bien plus riche et complexe, et incroyablement belle à sa manière. Ce sont des personnages vraiment extraordinaires, pour lesquels j'ai ressenti une profonde affection. Les quitter, sans en savoir plus sur ce qui leur arrive, m'a été difficile.

Le handicap n'est pas le sujet central du livre, au contraire. Il est toujours présent, mais transcendé. A aucun moment, les personnages ne m'ont parus diminués. Au contraire, ils avaient tous quelque chose – une force, un trait hors du commun – qui les rendaient particulièrement intéressants. Et pas malgré leur handicap, ni même grâce à celui-ci. Ce n'était qu'une des caractéristiques dans une globalité, qui elle, se trouvait magistrale, magnifique à sa façon. Je n'arrive pas vraiment à expliciter mon ressenti sur ce point, il faut connaître les personnages pour comprendre. Ils ne sont pas parfaits, loin de là, mais sont incroyables tout de même. Ou même, justement grâce à leurs défauts, leurs faiblesses. Tous sont intéressants et différents, mais j'ai eu un vrai coup de cœur pour Sphinx, l'Aveugle et Tabaqui.

Revenant à Fumeur, l'histoire démarre avec lui, ce qui nous permet de découvrir la Maison et ses règles en même temps que lui. Puis peu à peu, on est entraîné avec d'autres personnages dans des strates, des profondeurs de celle-ci et lui est laissé sur le rivage. Il ne fait pas tout à fait partie du même monde, et c'est qui le rend aigri. La construction est très bien faite. Le style de l'auteure est poétique et entraînant, tout à fait en adéquation avec le roman. Il n'y a pas d'intrigue en soi, on suit plutôt une évolution.

C'est un roman qui ne va pas me quitter de sitôt, dans lequel j'ai eu plus l'impression de vivre que de le lire. Je le recommande franchement, pour ses personnages et son monde à part, particulier. La fin est restée un peu trop évasive pour moi, je n'ai pas tout saisi. Mais l'impression laissée en tournant la dernière page est forte.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Monsieur Toussaint Louverture pour cette lecture hors du commun.



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