lundi 9 mai 2016

Tout n'est pas perdu de Wendy Walker

Tout n'est pas perdu

Edition : sonatine (2016)
341 pages

Résumé : Alan Forrester est thérapeute dans la petite ville cossue de Fairview, Connecticut. Il reçoit en consultation une jeune fille, Jenny Kramer, quinze ans, qui présente des troubles inquiétants. Celle-ci a reçu un traitement post-traumatique afin d’effacer le souvenir d’une abominable agression dont elle a été victime quelques mois plus tôt. Mais si son esprit l’a oubliée, sa mémoire émotionnelle est bel et bien marquée. Bientôt tous les acteurs de ce drame se succèdent dans le cabinet d’Alan, tous lui confient leurs pensées les plus intimes, laissent tomber leur masque en faisant apparaître les fissures et les secrets de cette petite ville aux apparences si tranquilles. Parmi eux, Charlotte, la mère de Jenny, et Tom, son père, obsédé par la volonté de retrouver le mystérieux agresseur.



Chronique


Après avoir tourné la dernière page, le sentiment qui prédominait en moi était la perplexité. Difficile de dire si j’avais aimé ou non ma lecture. J’ai apprécié la deuxième partie de ce roman avec une intensité similaire à mon aversion pour la première.

En effet, les 150 premières pages (environ) se sont révélées assez fastidieuses, et j’ai éprouvé de grandes difficultés à entrer dans l’histoire. Ceci est dû principalement au procédé narratif utilisé. L’histoire est entièrement racontée par le psychiatre, et donc il y a une certaine prise de distance par rapport aux autres personnages. Nous ne les voyons que par le prisme du narrateur, qui est loin d’être objectif et qui nous délivre ses opinions tout au long de son récit.


Plusieurs choses m’ont dérangée dans ce procédé, et la plus importante est incontestablement le narrateur lui-même. J’ai trouvé ce psychiatre exécrable. Il assène des jugements moralisateurs, énonce des « vérités universelles » qui n’appartiennent pourtant qu’à lui, d’un ton condescendant. De plus, il interpelle régulièrement le lecteur, ce que je n’apprécie déjà pas habituellement puisque ça a tendance à me sortir de ma lecture, mais qui est d’autant plus dérangeant dans le cas présent qu’il donne l’impression de vouloir obliger à prendre son parti. Et je n’aime pas du tout qu’on me force la main. 

Pour l’exemple, quelques passages qui m’ont hérissé le poil : celui qui manque d’une empathie folle pour un psychiatre sur le suicide, suivi d’une diatribe sur l’incapacité des adolescents à prendre de bonnes décisions « malgré leur apparence physique, si vous pouviez voir à l’intérieur de leur cerveau, vous ne trouveriez pas un adulte à cent kilomètres à la ronde. Ce n’est pas l’inexpérience qui les pousse à prendre de mauvaises décisions. Ils ne sont tout simplement pas équipés pour en prendre de bonnes. Pour preuve, les pensées de Jenny, ce soir où elle était assise sur son lit ». Quand il parle de sa femme : « Je me sens intellectuellement supérieur à elle », « Je l’ai encouragée à passer une maitrise pour que nous puissions avoir des conversations plus sophistiquées ». Sans parler de sa prétention, lorsqu’il évoque qu’il a « sauvé » tous ses patients sauf un, etc.
Enfin, je ne vais pas citer tous les passages, mais j’avais régulièrement envie de lui mettre quelques claques. Ce qui n’aide donc pas à se plonger dans une histoire quand celle-ci est intégralement racontée par ce personnage.


L’autre problème de ce procédé, ce sont les régulières digressions du narrateur. Il évoque de nombreux sujets, et il est facile de se perdre dans la trame narrative qui fait sans cesse des allers-retours. À un moment, il évoque une nouvelle annoncée par la radio, ce qui l’amène à parler d’un patient, puis d’autres patients qu’il a vu à la prison de Sommers, pour revenir ensuite à la nouvelle plusieurs pages plus loin, mais comprendre ce à quoi il fait référence est alors difficile.


Le dernier inconvénient de cette narration est la prise de distance que cela engendre par rapport aux autres personnages principaux, comme Jenny, Tom, Charlotte. Nous les voyons de l'extérieur et donc cela prend du temps de s’identifier à eux.


Le bilan de la première partie se révélait donc assez négatif. Mais voilà, il y a eu la seconde partie. Et là, je ne peux que m’incliner. L’intrigue est parfaitement ficelée, les actions et révélations s’enchainent. Il est difficile de reposer le livre, et à la fin subsiste ce sentiment d’exaltation et de satisfaction, celle d’avoir été manipulée aussi bien que les personnages du roman.


Donc difficile d’émettre un avis définit quand les deux parties de ce roman se trouvent aussi contrastées. Mais même si la première est laborieuse, la seconde vaut le coup de s’accrocher.



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