Lumpen de Janus
Edition : Trash (2015)
150 pages
Résumé : Grandir dans la frustration, la misère sociale, et vouloir tout détruire sur son passage.Se venger. Gagner.
Grandir dans l'altruisme, la valeur travail, et vouloir tout détruire sur son passage.
Se venger. Gagner.
Accepter la compétitivité ou devenir néo-fasciste. Seule alternative offerte au monde occidental en ce début de XXIe siècle ?
Choisir entre la peste et le choléra ?
Chronique
Lumpen, c'est gore, c'est trash mais c'est plus encore. Il se distingue de ses petits camarades par une originalité très assumée, autant dans ses thématiques (sociétales, politiques, etc.) que dans le style. L'auteur joue sur le rythme des phrases, des répétitions pour un résultat hors du commun. Que l'on n'aime ou que l'on n'aime pas, il est impossible de qualifier ce livre, et ce style tout particulièrement, d'ordinaire. Hypnotisant à certains passages, percutant, brutalement, ce rythme qui confine parfois à la litanie semble rester sur le fil du rasoir : l'accumulation de termes, de répétitions développe, nourrit un sentiment d'oppression. Et au moment où l'on se dit : ça va être le mot de trop, je vais en avoir marre et poser ce livre, il change soudain, mue et nous attrape par une nouvelle cadence. Cette façon de jouer sur les limites, dans le style même, presque autant que dans le fond, permet d'être embarqué dans les horreurs perpétrées sans avoir envie de lâcher le roman.
L'alternance entre l'utilisation de la deuxième et la troisième personne est intéressante. La deuxième personne permet une identification, comme si l'on était intégré dans ce récit, ce qui est le cas puisque le personnage représente l'homme moyen, le tout un chacun, dans lequel il est facile de se reconnaître ou au moins une certaine vision de l'homme actuel. D'ailleurs, sa descente, son glissement vers la violence est présentée de manière tout à fait crédible.
Sur le fond, c'est sans concession, noir, cynique même. J'ai aimé ces deux trajectoires parallèles, comme deux façons inverses de mettre en scène la violence dans la société : pour le premier personnage, la violence est la conséquence alors que pour le second, elle semble être l'engrenage. L'un n'est que le déchet de cette machine qui broie les vies, l'autre au contraire en devient la représentation, l'image. Est-ce la violence qui lui a permis d'arriver là où il en est ? Ou n'a-t-elle juste aucune importance, puisqu'il a une voix, un don, qui plait aux foules ? Et qu'est-ce qui est le pire ?
Et la question qui subsiste, au milieu de cette violence omniprésente : pour quoi faire ? Ces deux personnages qui se débattent, dans l'anonymat (aucun n'a de nom), dans l'indifférence, à quoi cela les mènera ?
Je me suis interrogée sur un point, et même si je n'aime pas exposer des théories fumeuses, je vais tout de même tenter le coup (attention aux spoilers) : lorsqu'on découvre à la fin que le « compagnon » du personnage principal est le nouveau cadre, je me suis demandée si la « rébellion » n'était en fait pas à la solde du gouvernement, puisque même si le Serpent promet un changement de vie, etc. ils ne s'en sont pris qu'aux chômeurs, étrangers, aux personnes dont le gouvernement aurait des avantages à se débarrasser, au lieu des privilégiés qu'on aurait pu s'attendre à les voir attaquer. Et puisque l'armée est dans le coup… ça paraîtrait logique qu'ils manipulent les « déchets » de l'humanité, inutiles à présent, pour se débarrasser d'autres « déchets ». Je suis peut-être à côté de la plaque. Ou alors c'était super évident et je ne suis pas le génie que je pensais être (mince alors).
Ce livre, c'est comme si la partie interne du corps de la société avait été retournée, exposée : les tripes à l'air, tendons, veines, amas de graisse gélatineux et tumeurs boursouflées ; pour au final découvrir qu'à l'intérieur, il ne s'y trouvait rien.
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